Dans la prison romaine de Rebibbia, la section pour les femmes est l’une des plus grandes d’Europe. Elle compte 300 places, mais elle a accueilli plus de 400 détenues.
En tant que franciscaine des pauvres, je fréquente ce lieu depuis plus de deux ans et j’écoute les femmes qui demandent un entretien avec la sœur. Depuis le début, j’étais étonnée par le nombre de personnes qui s’inscrivaient. Ensuite j’ai compris qu’un très grand nombre de ces femmes ne recevaient aucune autre visite que la mienne. En effet, beaucoup d’entre elles sont des étrangères et leurs familles sont loin ; dans bien des cas, ces familles vivent dans une situation d’extrême pauvreté et se rendre aux entretiens constitue un luxe inaccessible. Dans d’autres cas, la famille ne peut pas leur rendre visite à cause de la maladie ou parce que les contacts ont été coupés avant la détention.
Sr. Mariapia IammarinoJ’accueille chacune d’entre elles avec cordialité et bienveillance, en espérant qu’elles ressentent, malgré mon inaptitude, la miséricorde et la tendresse de Dieu. Leur sympathie et leur simplicité transforment ces entretiens en des moments attendus et fortement voulus des deux côtés ; c’est comme un espace spécial dans lequel peuvent émerger l’espérance et la force de vie, malgré et au dépit des situations les plus désolantes.
Irene est italienne, elle a été à plusieurs reprises à Rebibbia à cause de sa toxicomanie. Elle est triste, mais elle est contente de me connaître parce que je porte la même croix que Sœur Viera Farinelli, qui m’a précédée dans ce service. Elle me propose d’être mon guide cara elle dit qu’en prison « il faut savoir s’y prendre ». Elle me fait rencontrer les femmes les plus seules, celles qui sont le plus en colère ou sans défense.
Sa solidarité à l’égard de ses compagnes me touche. Elle arrive à être un pont entre elles et moi-même de façon créative, désinvolte… unique. Au bout d’un certain temps, Irene a obtenu l’assignation à résidence. Elle a une tumeur en phase terminale et ne peut pas être soignée en prison. Elle me l’avait caché. Je l’ai appelée et je lui ai demandé si je pouvais aller lui rendre visite chez elle. L’endroit où elle habite – une banlieue profonde, avec des HLM serrés comme une ruche – exprime, plus que ses mots réticents, combien sa vie a dû être dure. Je lui apporte quelques provisions, des aliments sains et légers, des habits chauds… un joli bouquet de roses que j’ai cueilli dans notre jardin.
Elle m’accueille et nous éclatons toutes les deux en sanglots, puis un café, quelques rires, les dernières nouvelles concernant son état de santé, la promesse que je serai à ses côtés.
Aussi impossible que cela puisse paraître, la prison lui a fait un grand don : elle a retrouvé Dieu, sa miséricorde, son amitié. Elle porte les roses dans sa chambre et les met devant une image de Jésus. Elle me dit que c’est sûrement Lui qui nous a fait nous rencontrer, car si jamais elle devait avoir des doutes sur l’amour que Dieu a pour elle, elle saurait bien comment les écarter grâce à ces roses et ma proximité.
Visiter les femmes de Rebibbia est pour moi un énorme privilège car, chaque fois, je vis l’expérience de poser mes pas sur ceux que Dieu a déjà tracés dans son immense miséricorde.
Je ne peux faire rien d’autre que partager le don du charisme de guérison de Mère Françoise et m’écrier comme elle le faisait : « Laisse-Le agir, Lui seul et toujours Lui, et regarde avec stupeur et gratitude Son œuvre. La vie vient du Seigneur, Lui seul peut la donner ».
Sr. Mariapia Iammarino, SFP
Publié : 27/01/2021